(elowen & eseld #1) hardest of hearts

La salle du trône est pleine. Pleine de cette noblesse curieuse. Pleine de leurs murmures anxieux. L'atmosphère alourdie par les regards inquisiteurs, les silences chargés de sous-entendus. Que va-t-il se jouer au prochain lever de rideau ? Quels vont être les mouvements de deux protagonistes de la scène ? Eseld les sent. Les questions, les interrogations qui s'agitent, remuent le silence de l'autre côté de la porte où elle attend. Et il y a comme une poussée d'adrénaline, un frisson d'excitation qui joue, court sur la peau de porcelaine. Il y a toute cette anticipation qui a gonflé, enflé pendant toutes ces années jusqu'à envahir chaque nerf, chaque fibre.

Enfin.
Rentrée chez elle après tant d'années.
De retour là où elle appartient après tellement d'attente.

Et elle ne revient pas aussi impuissante, aussi faible qu'elle est partie.

« Sa Majesté votre Tante va vous recevoir » annonce le majordome, libérant les lourdes portes. Annonçant son nom à l'assemblée. Puis celui de son fils. Ca y est. Sur le chemin qui mène au trône, le pas est certain, même sans les chiens qui le guident d'ordinaire. Princesse unseelie en vêtements de deuil, Eseld ne craint rien alors qu'elle revient dans l'arène qui l'a vue vaincre et perdre, cette cour qui l'a vue grandir et s'affranchir. Ici, elle n'a besoin de rien pour guider ses pas, les codes et les règles de cette cour l'ont forgée, façonnée sous l'apparente fragilité.

Devant le trône où siège la reine, elle s'arrête, sourit à sa parente. « Ma Tante, souffle-t-elle, dans une révérence, dans la révérence de l'unseelie devant sa reine : je suis heureuse de te revoir. Elle joue la sincérité, la docilité - sans doute, au fond, est-elle aussi contente de revoir celle pour laquelle elle aurait, autrefois, donné sa vie et ses forces. Et sur sa nuque, elle sent peser les regards qui cherchent la faille, les indices, les prémisses d'une guerre interne chez les Hirluin : je ne crois pas que tu aies eu l'occasion de rencontrer mon fils. »

A ses côtés, Meallan est resté silencieux. Solennel comme pourrait l'être Islay - ou comme l'est Reinhard. Et d'une main encourageante sur l'épaule du garçon, Eseld l'invite à s'avancer un peu, à entrer dans la lumière. Les jambes sont frêles, fragiles, semble-t-il, mais l'enfant ne cille pas sous les regards le détaillent, le dévisagent. La cour s'échange une myriade de questions. Les meilleures mémoires, les plus pointilleux comploteurs se rappelent fort bien du visage d'Islay et de ses traits dont Meallan n'a pas hérité.

« Meallan, mon chéri, voici ta tante et reine » Le petit garçon acquiesce gravement, trace un pas supplémentaire vers le trône et cette femme qu'il ne connait pas, il s'avance restant malgré tout à portée des bras de sa mère. Le salut qu'il esquisse est grave, impersonnel autant que formel, loin du tutoiement aux saveurs de complicité familiale qu'a employé Eseld : « Bonjour Majesté. »