thenElle a faim, cette voix dans sa tête. Les murmures au creux de son oreille se sont depuis longtemps transformés en hurlements. Parce qu'elle n'en a jamais assez, parce qu'elle en veut toujours plus. Démon assoiffé demandant à ce qu'on lui verse son dû. Et il sait qu'il va lui céder, Athos. Une fois de plus. Pour libérer son esprit des paroles qu'on lui glisse à l'oreille.
Du sang. Toujours plus de sang pour satisfaire le monstre qui sommeille en lui.
Tu regretterais presque sa Cérémonie. Les pouvoirs dont il était si fiers, ceux qui ont fait de lui une abomination au même titre que ceux qui pullule dans la Cour des Ombres. L'innocence depuis longtemps envolée, le petit garçon devenu meurtrier.
Les pas qui se font pressants sur les pavés de Meánach. Sinistres ruelles que seules la clarté de la lune éclaire.
Une belle nuit pour mourir. Et il essaie de se convaincre que tout ira bien, Athos. Tout en sachant pertinemment que ses instincts finiront par reprendre le dessus.
Lui. Voix doucereuse qui se calme, qui vient ronronner une fois de plus à ses oreilles. Un simple mot qu'il interprète comme un ordre. Et il sait qu'il n'a pas le choix, le Leonhart. L'homme qui titube face à lui désignée comme cible du démon. Un dernier soupir avant que le tranchant de la lame ne vienne tailler sa chair. La suite, il préfère l'oublier.
(...)Lorsqu'il reprend ses esprits, l'homme gît devant lui. Cadavre encore chaud qu'il a ciselé de toutes part. La voix n'est plus là. Partie, envolée dès son souhait réalisé.
Mais elle reviendra. Lorsque le manque se fera sentir, lorsqu'elle aura besoin d'être rassasiée à nouveau. Et il est éreinté, Athos. À bout de force.
Tu sais que tu dois modérer tes pouvoirs, ou ils finiront par te tuer. Mais il n'est pas raisonnable, ne l'a jamais été. Parce qu'il est persuadé de valoir mieux que les autres, persuadé que ses compétences valent mieux que ceux qui l'ont précédé. Une vanité qui ne cesse de mettre son existence en péril.
Un dernier regard pour le corps qui repose dans les rues de Meánach avant de s'en aller. Et c'est là que leurs regards se croisent. Et il n'a pas le temps d'esquisser le moindre mouvement avant qu'elle disparaisse dans les ténèbres. Comme si elle n'avait jamais été là. Témoin gênant de la folie qui l'anime.
Tu sais qu'il te faudra te débarrasser du nuisible.
nowNuit noire. L'homme agacé qui erre dans les rues de Meánach, ses pas le guidant à travers les rues sinueuses de la cité. Une dispute de plus.
Une dispute de trop. Il pourrait la tuer, Agathe. Il la hait autant qu'il la désire. Alors, il préfère s'échapper. Pour la faire souffrir comme elle le fait souffrir.
T'es un vrai connard, Athos. Il le sait. S'en fiche. Trop fier pour admettre ses torts, pour admettre qu'il est une enflure.
L'opiumerie comme lieu de réconfort. Lieu de tous les vices où il se sent revivre, où ni le démon, ni l'épousée ne semblent pouvoir l'atteindre. Et pour une fois, il fait l'impasse sur la vermine aux commandes des lieux. Il s'installe comme à l'accoutumée, avant de passer commande. Juste un verre. Jamais trop - l'ombre du père planant toujours douloureusement au-dessus de ses épaules. Il n'a pas encore entamé sa boisson qu'on s'installe à ses côtés. Jolie nymphe au teint doré.
« On vient se détendre après une nuit un peu trop animée ? » Et il l'observe, Athos. Un sourire à la commissure des lèvres. Mais elle ne lui laisse pas l'occasion de répondre, l'inconnue. Elle enchaîne.
« Quelle malheureuse rencontre pourrait bien vous avoir mené ici ? » Et au moment où il plonge son regard dans le sien, il se souvient. Une autre nuit, dans la même ville. Les pavés souillés par le carmin, le corps encore chaud étendu sur le sol. Et ce témoin gênant, qu'il a juré de retrouver.
Le sang qui commence à s'agiter dans ses veines, comme s'il demandait à s'en échapper.
Pas ici. Plus tard, peut-être. Parce qu'il n'est pas dupe, Athos. Il sait qu'au vu de l'attirail de la demoiselle, celle-ci travaille pour les Singhal dans le meilleur des cas. Dans le pire des cas, elle est membre de leur clan. Alors, il décide de se prêter au jeu. Dévoile le même sourire mielleux que celle qui lui fait face.
Et pourtant, tous tes muscles se tendent. La peur qu'on ne découvre tes vices, qu'on rende tes misérables actions publiques.
« Je doute que mes histoires vous passionnent. » Il trempe ses lèvres dans son verre.
« Une rencontre vieille de six ans. Celle de mon épouse. » Nulle anecdote à conter ce soir. Agathe ignore ses secrets ; il ne se confiera pas à une inconnue.
« Et à qui ai-je l'honneur ? » Un nom dont il se souviendra. Espérant qu'il ne s'agit que de l'une des employées de l'opiumerie, et non pas d'une membre de cette noblesse Unseelie de pacotille. L'existence de cette femme est dangereuse et si elle menace de parler, il sera obligé de la faire taire. Qui qu'elle soit.