« L’enfant s’avance, le bruit des pas résonnant comme le coup d’un glas dans la salle immense. Il se tient au centre d’un cercle, ses yeux troubles, le corps tremblant. Autour de lui, trois hommes,le visage grave : concentrés. C’est le jour de la Cérémonie. Un moment décisif dans la vie de tout Fae. L’instant où il découvre ses pouvoirs. Une renaissance. Un renouveau. Le corps encore malingre de l’enfant trop vite grandi s’agite davantage. Se secoue. Comme un fétu de paille ployant sous le vent. Le moment est là, ses doigts s’ouvrent, une violente bourrasque de vent s’engouffre dans la pièce et se fracasse contre les murs. Un craquement violent se fait entendre, son dos se rompt, se casse, ses pieds quittent le sol. Il tourne au milieu de la pièce, pantin désarticulé, parcouru par un pouvoir non maîtrisé. Enfin la tempête se calme. S’arrête. Le garçon retombe.

Dans ses yeux une terreur infinie.

Immédiatement des mains s’abattent sur ses épaules. Le moment solennel est brisé. Dans l’air flotte un sentiment d’aversion, de répulsion. Une voix venimeuse s’élève : « Il n’est plus des nôtres. Envoyez-le dans l’ombre là ou est sa place. Il est impur. Souillé. Unseelie » Le garçon se débat, hurle. Tend ses mains vers son père dans une ultime supplique. Rester près des siens. Ne pas être banni. Mais l’homme évite les bras tendus. Froid. Implacable. Il se penche tout de même, assez prêt pour un dernier murmure.

« Tu sais ce qu’il te reste à faire. N’oublie pas d’où tu viens. »


Le monde est fracturé en deux. Entre l’Ombre et la Lumière. Entre Seelie et Unseelie. Les purs et les souillés. Les pouvoirs des Unseelie sont jugés répugnants. Ignobles. Ils sont des mutants. Des aberrations. Et pour cela ils ont été bannis. Utilisés comme des serviteurs pendant de longues années. Haïs. Méprisés. Pourtant on ne nait pas Seelie ou Unseelie. On le devient. A l’aune de l’enfance. Dix ans sonne le glas de l’innocence. Tout ne devient plus qu’une question de chance. Rester près des siens ou dire adieu à l’espérance. Être adulé ou être soumis.

Mais lentement les temps évoluent. Ceux qui étaient autrefois les régnants ont dû descendre de leur piédestal. Ouvrir leurs yeux en direction d’une nouvelle puissance qu’ils avaient trop longtemps ignoré. Ombre et Lumière à égalité. Deux royaumes prêts à se battre. A s’entre-déchirer. La destruction évitée de justesse. Une paix mensongère signée dans un traité. De fausses alliances dessinées. On parle d'égalité. D'acceptation. De tolérance. Pourtant nul n'y croit Mais des deux côtés on fourbit les armes. On avance les pions. Manipule les plus innocents. Le calme est trop fragile. L’avenir incertain.

La paix ne sera que de courte durée. La guerre appelle au loin.